Les silences de Dieu (D.WARY)

1. Il y a silence et silence…

Une des première choses que l’on vous apprend quand vous étudiez un texte biblique est de vous en tenir au texte ; l’argument des silences du texte n’est pas assez convaincant… cet article s’intéressant aux silences de Dieu peut-il alors être pertinent ?

Il nous semble que oui. Pourquoi ? Car tous les silences ne se valent pas : il y a des silences qui sont d’or et d’autres de métal vil, des silences plus ou moins intentionnels, plus ou moins remarquables, plus ou moins lourds de sens… dans ces quelques lignes voyons d’abord quelques exemples de silences de Dieu qui semblent réunir ces attributs (intentionnels, remarquables, lourds de sens), puis forts de ces précisions, nous tenterons de trouver quelques raisons aux possibles silences de Dieu aujourd’hui.

2. Quelques exemples de silences de Dieu au long de l’Histoire du salut

  • La minute de silence

Si pour Dieu 1000 ans sont comme 1 jour, 1 minute peut bien paraître 400 ans ! Les 400 ans en Égypte, les 400 ans entre les deux testaments et 1 Sam 3.1 sont trois silences de Dieu assez similaires. Ils pourraient être comparés à la fin d’un mouvement d’une symphonie (le silence entre l’allegro et l’adagio par exemple), ou encore à un saut de paragraphe dans un discours. Ces silences marquent une rupture avec la parole (et même l’époque) qui a précédé. Après la période de tutelle égyptienne, le peuple d’Israël deviendra le serviteur de YHWH ; de la sombre période des juges, le peuple d’Israël passera à la période des rois ; de la période de l’ancienne alliance le peuple passera à la nouvelle. Notons également que ces silences précèdent non seulement une nouvelle période mais aussi un acte décisif dans l’Histoire du salut. Nous savons tous qu’une parole importante possède toujours plus de poids quand elle fait suite à un silence aussi solennel qu’une minute de silence !

  • Un silence de mort…

Dieu a gardé le silence pendant l’exil du peuple de Dieu à Babylone, silence marqué par le signe du jugement. La rupture de la communion (qui ne signifie pas rupture de l’alliance… bien au contraire, si l’alliance était rompue les sanctions ne seraient plus en vigueurs !), due à la désobéissance notoire du peuple aux clauses de l’alliance, amène au silence de Dieu. Á force de ne pas avoir été écouté, Dieu décide de se taire, ou plutôt, le peuple a décidé lui-même de s’éloigner de Dieu et donc de sa voix. Entre Ézéchiel et Aggée, on assiste alors à un temps de silence de Dieu. Notons que nous avons peut être aussi un silence de ce type durant le règne long et désastreux du roi Manassé en Juda (cela dépend de la datation du ministère de Nahum). Un dernier exemple peut être ajouté : le silence de Jésus face à Hérode (Luc 23.91) semble être le prélude à la symphonie destructrice qui attend le monarque (Ac 12.23).

  • Un verset à ne pas passer sous silence

Le verset d’Ap 8.1 est assez particulier car il semble être l’amalgame de ces deux derniers types de silence… à la fois un silence qui rompt avec la période qui précède (les 6 sceaux d’Ap 6) et l’annonce d’un acte décisif (l’ouverture du 7e sceau), mais aussi un silence qui annonce le jugement final qui va s’abattre sur les rebelles.

  • A nous de meubler ce silence !

Plusieurs ont remarqué le fait que le Nouveau Testament habituellement assez prolifique semble assez avare en conseils au niveau de bon nombre de questions d’ordre ecclésiologique telles que la liturgie dans les cultes, la célébration de la Sainte Cène, l’installation des responsables, ou encore quels instruments utiliser, dans quel bâtiment se réunir et comment l’agencer, etc2… Bien que cette remarque doive être nuancée3, il y a là un fait assez frappant pour y voir un silence divin intentionnel. Mais pourquoi Dieu a-t-il choisi alors de se taire sur ces questions ? Une explication qui nous semble pertinente est celle avancée par John Piper : les silences ecclésiologiques sont liés au caractère missionnaire du Nouveau Testament. Le Nouveau Testament étant la bonne nouvelle adressée à toutes les nations et à tous les peuples, les recommandations d’ordre cultuel ont été limitées afin de faciliter le « saut » d’une culture à une autre4. On peut donc interpréter ces silences de Dieu comme le choix délibéré de vouloir laisser à l’homme la liberté de parler.

3. Mais pourquoi Dieu garde-t-il encore le silence aujourd’hui ?

En science de la communication, les silences, comme le langage, sont considérés comme des moyens de communiquer. Il est alors intéressant de voir ce que Dieu peut nous dire par ses silences. Si Dieu fait silence aujourd’hui, les raisons mentionnées ci-dessus semblent toujours d’actualité : aujourd’hui encore le silence de Dieu peut être signe de jugement (qui n’a pas expérimenté ce lourd et pesant silence de Dieu quand il s’égare sur la voie du mal ?), signe de rupture avec l’ordre ancien, et de préparation d’un ordre nouveau par un acte décisif (le retour du Christ et l’instauration de la nouvelle terre et des nouveaux cieux), signe qui nous laisse l’opportunité de parler, de prendre la responsabilité d’accomplir des actes réfléchis qui feront avancer le Royaume de Dieu (quel privilège et quelle joie !).

4. Des silences qui en disent long

Mentionnons pour finir encore 4 raisons pour lesquelles il nous semble que Dieu parle souvent à travers le silence : le but est de développer en nous la soumission, le discernement, l’écoute et l’humilité. Contrairement à ce qu’on entend souvent, les silences de Dieu en disent long sur sa bonté envers nous !

On remarque que ceux qui disent souvent que Dieu leur parle directement manquent justement de ces qualités-là :

  1. De soumission : si Dieu ne leur a pas parlé directement, alors ils n’ont pas besoin de rechercher comment se soumettre à Dieu sur tel ou tel aspect de leur vie

  2. De discernement : ils ne font pas la part des choses entre ce qu’ils reçoivent et leurs propres pensées au point de se laisser aller à la dérive sur certains sujets

  3. D’écoute : ils prennent le temps d’écouter Dieu mais puisque Dieu a parlé , ils pensent qu’ils n’ont plus besoin d’écouter quoi que ce soit (les circonstances) ou qui que ce soit (de toute façon les autres sont faillibles donc il vaut mieux ne pas les écouter du tout…) pour mieux saisir la vérité

  4. D’humilité : ils estiment qu’ils ne peuvent pas se tromper puisque la vérité est directe, complète et simple, et jamais, ni complexe, ni nuancée. En plus, ils ne font pas appel aux réflexions de leurs frères et sœurs dans la foi qui, guidés par l’Esprit eux aussi, ont déjà longuement médité sur les mêmes questions…

Avouons alors que cela nous arrive à tous de tomber dans l’un ou l’autre de ces travers… et, sous couvert de foi, de basculer subtilement vers le manque d’écoute. Par la nécessité de l’écoute, Dieu veut faire naître en nous une oreille attentive, développer une relation (et non des automatismes mécaniques) où les silences et les paroles de divers types ont leur place. Dieu veut nous amener à une recherche active de soumission envers Lui, là où il est toujours considéré comme plus grand et plus important que nous, comme celui qui décide de prendre l’initiative, celui qui demeure supérieur et digne d’être glorifié en tout temps5.

1 Jésus s’est peut être tu car Jean-Baptiste avait déjà averti Hérode de changer de comportement, en vain (Mt.14.4-5).

2 Voir notamment : Millard Erickson, Christian Theology, Grand Rapids, Baker, 1985, p.1084

3 Comme le fait Grudem par exemple dans : Wayne Grudem, Théologie systématique, Excelsis, Charols, 2010, p.994

4 Cet argument est donné dans un enseignement de John Piper sur le culte et la louange intitulé « Gravity and gladness » donné en 2011. Voir : www.desiringod.org

5Ces deux derniers paragraphe sont tirés d’une prédication sur le Psaume 81 et les bienfaits de l’écoute de Dieu disponible sur : https://www.ertunis.com/multimedia-archive/psaume-81/

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *